Letter from Bernard de Fontenelle to John Conduitt, dated 14 April 1727 (new style)
Monsieur
Ie reçûs hier par la uoye de Son Excellence Monsieur de Valpool la lettre que uous m'aués fait l'honneur de m'écrire du 27 Mars Vieux Style. ie sauois déia la perte que notre Academie, et l'Angleterre, ou plutost toute l'Europe, ont faite en la personne du grand M. Neuton, et ie uous suis très obligé du secours que uous m'offrès si genereusement pour le tribut que ie suis obligé de rendre a sa memoire. ce sera le 12 Nouembre prochain Nouueau Style que cet Eloge sera lu publiquement dans l'Academie des Sciences. si la Vie que uous uoules composer deuoit paroistre auant ce temps là, ie croi que ie deurois uous ceder par toutes sortes de raisons, et me taire, mais si uotre ouurage ne paroist pas si tost, comme il y a toute apparence, i'accepte auec beaucoup de reconnoissance les offres que uous me faites, et ie tascherai de mettre en œuure d'une maniere qui ne uous déplaise pas les materiaux que uous aurés la bonté de me fournir. I'ai besoin de tout ce que uous pouuès sauoir sur M. Neuton sans exception. le iour, le lieu de sa naissance, le nom de son Pere et de sa Mere, son education, ses premieres études, les premieres marques de genie qu'il donna, quelques traits remarquables de son enfance, ou de sa ieunesse, les Sauants qui l'ont formé, s'il y en a eu, les lectures qu'il aimoit le plus, ou dont il a tiré le plus de profit, ce qui le détermina au Mathematiques, comment il fit son Liure des Principes, et ses Experiences d'Optique, les censures ou oppositions qu'il aura eües a essuyer, s'il y en a eu, les loüanges qu'il en a reçües de la part des Sauants, ou des Princes, la fortune et les emplois où il est paruenu, et par quels degrés, comment il s'y comportoit, quelle étoit sa forme de uie priuée, ses liaisons, ses commerces, quel étoit son caractere, ses moeurs, ses sentiments particuliers sur la uie humaine, sur les Gouuernements &c. son iugement sur les Auteurs celebres ses occupations dans sa derniere uieillesse, la maniere dont il est mort. tout cela, et tout ce que uous pourrès sauoir encore de plus, et qui ne me uient pas presentement a l'esprit, me sera utile.
Comme il est iuste, Monsieur, qui i'épargne uotre temps, et que ie n'abuse pas d'une pure grace que uous uoulès bien me faire, ie doi uous dire qu'il ne faut point que uous uous donniès la peine de mettre aucun ordre a tout cela, il suffira que uous iettiés les choses sur le papier a mesure que uotre memoire uous les fournira, seulement auec les dates, quand ce seront des faits, qui en demanderont. il me suffira auec cette condition que tout soit pesle mesle.
Ie souhaiterois bien que cet Eloge ne fust pas tout a fait indigne du suiet, et pour cela il me faut du temps, et i'ai encore beaucoup d'autres choses a faire. ainsi, Monsieur, ie uous supplie très humblement que ie reçoiue uotre secours le plustost qu'il sera possible. ie uous en rends mille graces d'auance, et suis auec respect
Monsieur
Votre très humble et très obeïssant
seruiteur
Fontenelle
de Paris ce 14 Auril 1727.